La technologie est l’astuce appliquée au monde matériel. La technologie cherche à améliorer la vie par la manipulation de la matière sans conscience, mais parce qu’il n’y a rien de moins intelligent que l’astuce, ces manipulations ont lieu entièrement sous l’empire de la mort. La technologie est à la mort ce que le lingot d’or est aux mille tonnes de minerai. Toute tentative d’améliorer les conditions actuelles de la vie par des moyens technologiques est un autre hommage déposé aux pieds de la mort, trônant dans la souveraineté absolue que cette activité lui accorde. La technologie érige la mort en demiurge dans une tentative dérisoire de l’éloigner.

Imaginez une version immortelle de vous-même. Pensez à ce qu’elle pourrait être. Est-ce que cette version de vous-même qui ne pourrait pas mourir essayerait d’améliorer ou d’augmenter quoi que ce soit sur son corps ? Est-ce qu’une immortelle aurait besoin d’une voiture ou d’un navire alors qu’elle pourrait marcher et nager indéfiniment ? Si les événements, les sentiments et tous ces détails de la vie qui nous sont chers restaient gravés dans nos mémoires immortelles et ne risqueraient jamais d’être oblitérées, aurait-on encore besoin de papier?  Est-ce que se servir d’un chronomètre ou d’un calendrier rimerait à quelque chose pour un être que le temps ne peut affecter? Et si l’espace et le temps étaient sans conséquences, quel serait l’intérêt de manipuler de la matière morte?

Ce que nous appelons « technologie » est un textile. C’est une trame où se croisent des fils d’astuce et des fils de menace de mort. Nous sommes vêtus de ce tissu que nous portons comme une seconde, comme une meilleure peau pour nous protéger des frissons que nous apportent inévitablement notre condition mortelle, alors qu’ironiquement, cette froidure y est tissée à l’intérieur.

L’intimité entre la mort et la technologie est quelque chose qui est plus souvent ressenti que pleinement réalisé. Il arrive parfois qu’on l’aperçoive dans toute son horreur glacée. C’est parce que la mort pénètre intimement la technologie qu’un robot ressemble de plus en plus à un cadavre animé au fur et à mesure que son apparence se rapproche de celle de la chair humaine. C’est pour cela qu’un mourant semble mourir encore plus intensément lorsque qu’une machine pompe de l’air dans ses poumons à travers un tube enfoncé dans sa gorge.

Catégories :Crise de larmes

Tagué:Mort Technologie

Anne Archet

Héroïne sans emploi, pétroleuse nymphomane, Pr0nographe lubrique, anarcho-verbicruciste, poétesse de ses fesses, Gîtînoise terroriste (et menteuse, par dessus le marché). Si j'étais vous, je me méfierais, car elle mord jusqu'au sang.