J’ai heurté de front Normand Baillargeon sur son blogue samedi dernier. Aie. Moi qui ai eu à supporter les commentaires déplaisants de la planète entière sur mes blogues, voilà que je me suis bêtement jointe à la horde puante des trolls. Pas fort.
Résumons l’affaire. Dans un texte qu’il destine au Monde libertaire, le professeur Baillargeon reprenait les propos que l’illustre Noam Chomsky lui avait confiés au sujet de l’état de l’anarchisme contemporain. Ce que pense le célèbre linguiste du MIT peut se résumer en trois points :
- Les anarchistes sont plus nombreux qu’avant, mais sectaires et intolérants. Il faut qu’ils dépassent leurs différences et forment un front uni «de manière civilisée et fraternelle et avec le sentiment d’une solidarité entretenue dans la poursuite d’un but commun».
- Les anarchistes ont tort de critiquer la technologie en tant que telle et devraient se limiter à dénoncer ses abus, car «à moins de consentir à [réduire l’humanité] à 100 000 chasseurs-cueilleurs, si on prend au sérieux la survie de milliards d’êtres humains, de leurs enfants et petits-enfants, cela va demander des percées scientifiques et technologiques.»
- Les anarchistes devraient reconnaître «la réalité sociale et économique telle qu’elle est», rejeter «ce sectarisme, cette étroitesse, ce manque de solidarité et d’objectifs partagés» qui les ont toujours caractérisés et renforcer certains aspects de l’État (dont la réforme de la santé aux États-Unis) parce qu’une telle attitude « renforce finalement la position des institutions dominantes tout en nous éloignant de combats qui doivent être menés et de ceux avec lesquels nous devrions combattre ».
Allez savoir pourquoi, je me suis sentie personnellement visée par ce texte. Dans ma réponse, j’ai fait remarquer que la stratégie de Chomsky était sociale-démocrate et pas anarchiste du tout :
« Ce que Chomsky dit en substance, c’est que l’anarchisme est un chouette idéal qui malheureusement ne se réalisera jamais en trois cents ans. Mieux vaut alors militer pour le renforcement de l’État (providence) et de l’entreprise (coopérative). Comme ça, les gens seront éduqués (peut-être) aux bienfaits de la vie libre de l’influence (bénéfique) de l’État et de l’entreprise. »
J’ai ensuite placé un lien vers un texte de Claude Guillon dont la critique de Chomsky m’apparaît des plus pertinentes.
En plus de souligner la contradiction étrange du raisonnement qui stipule que d’affronter l’État le renforce alors que de le renforcer l’affaiblit, j’aurais pu ajouter que Chomsky est, en fin de compte, un démocrate radical. L’État et la corporation lui conviennent dans la mesure où ces institutions sont gérées sur un mode participatif. Ce qu’il appelle de tous ces vœux, c’est un État-providence pacifiste et gentil gouverné par des conseils ouvriers qui abolirait la corporation capitaliste pour la remplacer par des jolies coopératives industrielles, ce qui permettrait de développer des technologies libératrices pour augmenter la productivité et nourrir cette masse humaine en constante expansion. Beau programme, mais je le répète, on est loin de l’anarchie. J’ai déjà expliqué ailleurs ce que je pense de la démocratie et je ne le répéterai pas ici. Je dirai simplement que la tyrannie de la majorité n’est pas nécessairement la plus douce et qu’elle vaut bien les autres. Et surtout, que les majorités sont si lentes et conservatrices qu’elles rendent toutes velléités de changement virtuellement impossibles. Je veux la liberté ici et maintenant, je veux me réapproprier ma vie, pas me sacrifier dans l’espoir bien hypothétique de libérer des générations futures qui, compte tenu de l’état actuel de la planète, risquent fort bien de ne pas naître.
Bref, le professeur Baillargeon a très mal pris mes commentaires. Il m’a traité d’arrogante — ce qui, en soit, est exact, car de tous mes innombrables défauts, c’est celui-là qui m’a poussée à remettre en question l’auguste parole de « l’anarchiste contemporain le plus connu et un des plus célèbres intellectuels vivants ». Évidemment, j’avais employé le ton qui est le mien et qui a le don de déplaire aux intellectuels humanistes, gentils et sympathiques. Il a ensuite dit que mon commentaire venait appuyer les arguments de Chomsky (au sujet du sectarisme et de l’incivilité, je suppose) et lui donnait envie de fermer son blogue — ce qui, je l’avoue, serait bien triste, car je l’aime bien, même s’il se résume la plupart du temps à de l’autopromo pour ses bouquins.
Ce qui m’agace dans cette histoire, ce n’est pas tant la position réformiste et sociale-démocrate de Chomsky, car on a bien le droit de l’être — mon amante est réformiste et sociale-démocrate et ça ne l’empêche pas d’être la meilleure lécheuse de fente au nord du Rio Grande. Non, ce qui me fâche, c’est l’injonction chomskienne aux anarchistes de s’entendre (avec lui), de s’unir et d’agir de concert. Voilà le problème. Si quelqu’un refuse de se joindre au consensus et de faire des compromis, si quelqu’un insiste pour maintenir sa différence, il sera inévitablement qualifié de dogmatique et de sectaire.
(Cela dit en passant, pour être sectaire, il faut faire partie d’une secte et comme l’a si bien dit Groucho, je ne ferais jamais partie d’un club qui m’accepterait comme membre.)
Chez certains anarchistes — et je soupçonne que c’est le cas du professeur Baillargeon —, la recherche du terrain d’entente finit souvent par devenir obsessive et pousse à rejeter les conflits pourtant réels et nécessaires, même entre « gens de bonne volonté». L’obsession de l’unité est d’ailleurs fort caractéristique de la gauche, pour qui un front commun du prolétariat, des exclus, des opprimés a toujours été hautement valorisé et recherché. Parce que la plupart des anars sont essentiellement des gauchistes antiétatistes (et encore, dans le cas de certains comme Noam Chomsky et le presque regretté Murray Bookchin, l’antiétatisme n’est pas toujours clairement décelable), ils sont convaincus que seul un front uni est en mesure de s’attaquer efficacement au capitalisme et à ses institutions de pouvoir honnies. Autrement dit, pour lutter contre cette société qui nous assemble et nous agence perpétuellement contre notre gré, au mépris de nos désirs et de nos singularités (en faisant de nous des contribuables, une main d’œuvre, un électorat, des consommateurs et ainsi de suite), nous devons remiser nos désirs et nos singularités et nous rassembler pour la cause commune.
Le problème, c’est que lorsqu’on se donne corps et âme à une cause commune, on se voit forcé d’accepter le plus bas dénominateur commun d’analyse et de moyens de lutte — qui s’avère la plupart du temps la création d’organisations militantes, le réformisme et la sociale démocratie. Les fronts unis qui sont créés de la sorte ne sont de fausses unités qui doivent leur existence à la suppression des désirs et des passions des individus impliqués. Faire front commun à tout prix, c’est non seulement se plier à des désirs qui ne sont pas les nôtres, mais c’est aussi accepter d’être transformé en hommes et femmes de la masse.
De telles unités sont de même nature que celles nécessaires à faire fonctionner les usines. Elles ne diffèrent en rien du consensus social qui permet aux autorités de se maintenir au pouvoir. Autrement dit, l’unité de la masse, parce qu’elle repose sur la réduction de l’individu à un simple élément d’un tout qui le dépasse, ne peut pas être la base de la destruction de l’autorité sous toutes ses formes; pire, elle ne peut qu’être le soutient de l’autorité.
À mon (si peu) humble avis, la base de la destruction de l’autorité — et vous ne serez pas surpris de l’apprendre si vous me connaissez un peu — ne peut être que l’individu. Pas l’individu abstrait, pas le concept philosophique : les êtres uniques, de chair et de sang, vous et moi. Ce qui va abattre l’État, le capitalisme, le patriarcat, c’est ma vie avec toutes ses passions et ses rêves, mes désirs, mes rencontres. Ma cause est la mienne; je ne fais cause commune avec personne, mais je rencontre fréquemment des gens avec qui j’ai de l’affinité et avec qui je développe des liens affectifs, passionnels. Cette affinité est possible si vos désirs et vos passions correspondent aux miens; elle est la seule base d’une unité authentique entre des êtres uniques, une unité qui est par nature éphémère, car elle repose sur la nature fluctuante du désir. Évidemment, le désir de la destruction de l’autorité peut créer des mouvements insurrectionnels à grande échelle, mais jamais un mouvement de masse. Ce genre d’insurrection ne peut naître de la réduction démocratique de nos désirs et de nos idées à un niveau ou tous peuvent être d’accord; il naît plutôt de l’acceptation de l’unicité de tous les individus, une reconnaissance qui embrasse les conflits et les affrontements créateurs qui existent entre les individus comme faisant part de l’incroyable richesse d’interactions humaines que le monde aura à nous offrir lorsque nous nous serons débarrassés de ce système social qui nous a dérobé nos vies.
Proudhon et Bellegarrigue avaient raison : l’anarchie, c’est l’ordre. Mais c’est aussi le conflit et l’affrontement — il faudra bien un jour être réalistes et l’admettre.
Catégories :Montée de lait
Anne Archet
Héroïne sans emploi, pétroleuse nymphomane, Pr0nographe lubrique, anarcho-verbicruciste, poétesse de ses fesses, Gîtînoise terroriste (et menteuse, par dessus le marché). Si j'étais vous, je me méfierais, car elle mord jusqu'au sang.
«À mon (si peu) humble avis, la base de la destruction de l’autorité — et vous ne serez pas surpris de l’apprendre si vous me connaissez un peu — ne peut être que l’individu. Pas l’individu abstrait, pas le concept philosophique : les êtres uniques, de chair et de sang, vous et moi. Ce qui va abattre l’État, le capitalisme, le patriarcat, c’est ma vie avec toutes ses passions et ses rêves, mes désirs, mes rencontres. Ma cause est la mienne; je ne fais cause commune avec personne, mais je rencontre fréquemment des gens avec qui j’ai de l’affinité et avec qui je développe des liens affectifs, passionnels.»
Toute seule, tu ne feras jamais rien, ou si peu. Stirner n’a rien changé et Debord non plus (je considère également le dernier comme un individualiste).
Bien sûr qu’à la base , ce sont des individus qui changeront les choses, mais pas un ou une individu(e) seul(e) dans son coin, qui vocifère, théorise et préserve une pseudo pureté révolutionnaire.
Je suis quelqu’un d’assez associal, voir misanthrope, mais même moi je me rend compte de tout ça.
De toute façon, si j’ai bien compris ta conception de l’insurrection, les relations de domination pourront continuer autour de toi, tant que tu arrives à les éviter personnellement, tu te moques bien du reste. C’est ta conception des choses, mais tu ne peux pas l’imposer aux autres.
Je pourrais poursuivre, mais le but n’est pas de te faire la morale et puis les chicanes puériles entre anarchistes ne m’intéressent guère.
Je suppose que j’aurais dû m’abstenir de faire une remarque du genre, mais maintenant que c’est fait, je serai peut-être mieux à même de t’ignorer.
Jusqu’à maintenant le processus est plus laborieux que prévu….
« Le problème, c’est que lorsqu’on se donne corps et âme à une cause commune, on se voit forcé d’accepter le plus bas dénominateur commun d’analyse et de moyens de lutte » Pas seulement….
« De sorte que chaque clan obéit à une discipline d’exclusivité contraire à l’ouverture sur le monde et sur les autres, mais encore par la tutelle qu’y exercent les figures charismatiques il règne dans le clan la superficialité narcissique des dominants. » (La discipline de l’amour, un texte qui vraisemblablement ne paraîtra pas)
Anne,
La strategie de Chomsky a le merite d’etre quelque chose de concret. C’est beau preconiser l’abolition de l’etat, mais elle est ou la strategie pour y arriver? (peux-tu la resumer en trois points, comme t’as fait pour definir la position de Chomsky?)
(desolé pour mon bas niveau de francais)
Cette « analyse » correspond un peu à celle de Slavoj Zizek qui stipule que toute résistance n’est en fait qu’un abandon.
À lire : http://www.lrb.co.uk/v29/n22/slavoj-zizek/resistance-is-surrender (ainsi que les commentaires)
Rien n’empêche des individus différents et en conflit de conjuguer leurs efforts ponctuellement pour tenter d’arriver à des objectifs légèrement différents. Je pense que dans un contexte de lutte contre l’État, le capitalisme, le patriarcat et le travail, c’est faisable, étant donné que la réduction de la domination voire l’abolition de ces institutions laisserait la place à un espace potentiellement libre et non à de douloureuses réformes imposées à tout le monde…
En revanche, lutter pour le renforcement de l’État, ça nous impose une discipline et un projet commun, une plateforme claire. Un groupe préférablement uni sur des bases idéologiques peut y parvenir, pas une constellation d’individus ou de collectifs aux aspirations différentes. Ça c’est évident. Là où je ne comprends pas la réflexion de Chomsky, c’est que j’ai l’impression qu’il souhaite voir remplacer les petits particularismes – ou dogmatismes – par des grands. Au lieu de se ramasser avec un réseau de petites « sectes », on se ramasse avec une seule et grande Église.
Il est certain que les anars sont souvent centrés sur leur propre groupe, défendant des concepts imaginaires et que c’est un problème. Mais pourquoi ne pas, dans ce cas, défendre l’échange au lieu de l’union?
Par ailleurs, c’est peut-être bizarre ce que je vais dire, mais je ne vois pas nécessairement la création d’un système public de santé comme une augmentation du pouvoir de l’État. Oui, ça impose souvent une hausse d’impôts: mais c’est facile d’éviter d’en payer, il suffit de ne pas faire d’argent. ;-)
Bakouchaïev, je suis pourtant si invisible, ça ne devrait pas être trop difficile de m’ignorer.
Je ne dis pas qu’il faut être tout seul dans son coin. Je dis que l’action de masse donne des résultats contraires à ce que les anarchistes généralement souhaitent — sauf évidemment les anarchistes pour qui le succès se résume à l’existence d’un mouvement de masse.
Ce qui est drôle, c’est que les anars misanthropes et isolés sont souvent ceux qui rêvent d’organisations de masse, alors que les individualistes sont généralement bien entourés. Ce n’est pas une théorie, ce n’est qu’une simple observation.
Je vous fais quand même la bise avant que vous m’ignoriez, parce que j’aime beaucoup ce que vous écrivez.
sergio, si vous voulez une recette simple, en voici une excellente (même si elle a quatre étapes plutôt que trois):
1. Coupez en dés quatre gros champignons, trois branches de céleri, un poivron vert, un poivron rouge, un oignon et 250 ml de tofu ferme.
2. Dans un poêlon, faites cuire environ six minutes. Ajoutez 30 ml de sauce tamari.
3. Dans un autre poêlon, faites cuire 230 g de fèves germées jusqu’à ce qu’elles soient tendres.
4. Incorporez le mélange de légumes aux fèves germées et mélangez bien. Servez.
(Donne deux portions, un excellent début pour un groupe d’affinité.)
Mouton Marron, vous avez raison et êtes vraisemblablement plus sage et mature que moi.
Quant au système de soins de santé, qu’il soit public est probablement préférable à ce qu’il soit privé. Ce n’est toutefois pas une raison suffisante pour consacrer ses précieuses énergies à travailler à un objectif qui n’est pas le nôtre.
Debord, Kotanyi et Vaneigem signaient « 14 thèses de l’I.S sur la Commune », « Il faut reprendre l’étude du mouvement ouvrier classique d’une manière désabusée, et d’abord désabusée quant à ses diverses sortes d’héritiers politiques ou pseudo-théoriques, car ils ne possèdent que l’héritage de son échec. Les succès apparents de ce mouvement sont ses échecs fondamentaux (le réformisme ou l’installation au pouvoir d’une bureaucratie étatique) et ses échecs (La Commune ou la révolte des Asturies) sont jusqu’ici ses succès ouverts, pour nous et pour l’avenir «
A partir de quoi, notamment, je comprends mal le sens de cette phrase: « Toute seule, tu ne feras jamais rien, ou si peu. Stirner n’a rien changé et Debord non plus » Si vous attendez Zorro….
(Mon intervention précédente doit à une certaine jalousie :))
Mais il me semble plus décisif Anne Archet, de pointer dans votre texte, ce qui semble dans l’attitude que vous ont opposé les amis anarchistes Baillargeon et Gunthert, relever du totalitarisme. C’est à dire la reproduction à l’identique de ce qu’ils étaient censé critiquer.
(L’arrogance et la « façon méprisante de considérer les conditions normales de l’établissement d’un dialogue » sont de bien mauvais arguments, avec leur poids totalitaire puisque ces deux mots « arrogance » et « mépris » sont des armes bien connues de l’anti-langage, des lieux communs de notre siècle.
Qu’on vous accuse d’être « arrogant » et « méprisant » c’est probablement aujourd’hui ce qui le plus vous contraint, quand vous avez un minimum de sensibilité et de scrupules, à observer le silence et à chercher en vous-même ce qui a bien pu l’être. D’autant que l’arrogance et le mépris viennent on le sait d’ailleurs, de tous pouvoirs, ce que n’incarne pas Anne Archet.)
Comme il ne s’agit pas de « Land and freedom » mais d’un vrai totalitarisme il y a des groupes infiltrés. Naturellement le profil d’un infiltré sera de préférence celui d’un anarchiste individualiste et les cibles privilégiées les anarchistes qui rêvent de mouvements de masses et qui finissent misanthropes et isolés.
Excellent, merci.
Je vais suivre ta recette en reflechissant au non-anarchisme de Chomsky
C’est bien joli le combat et l’affrontement mais prendre du recul dans ce genre de relations sociales est bien utile pour ne pas faire n’importe quoi. Aussi, bavarde comme tu es, individualiste comme tu l’affiches, je ne vois pas trop d’autre issue qu’une bonne vieille thérapie pour « dialoguer » avec soi-même. Mais, peut-être est-il déjà trop tard…
Ce texte, tout de même, ressemble sacrément à une confession. Ah ! Ah ! Ah !
Bon dimanche.
C’est bien la première fois que je me fais qualifier de gauche et de droite par une même personne sur son blogue. Je suppose que c’est ça un humain. ☺
Sur cela, je vous laisse avec vos anarchos.
Dans le sous-titre de votre blog: «Bienvenus (sic) aux indépendantistes de droite et de gauche.»
C’était dans le même sens que «taverne bienvenue aux dames» ?
Chomsky est, si je ne m’abuse, anarcho-syndicaliste. Cela veut dire qu’il aspire à une société fonctionnant sur le modèle du syndicat, car telle est la proposition de l’anarcho-syndicalisme. Ce n’est pas une société sans état, mais une société avec un état différent, auto-gestionnaire en quelque sorte.
Un peu d’étymologie s’impose : anarchie ne veut pas dire sans état, mais sans chef.
Et état veut simplement dire ce qui est.
On peut donc être anarchiste et étatiste tout à la fois, pourvu qu’on imagine une organisation sociale sans chef.
Et je dirai même plus : s’il n’y pas d’organisation sociale qui réglemente la disparition des chefs, alors il y aura toujours des chefs.
Une sociale démocrate suceuse de minou fait plus pour la pensée libertaire qu’un professeur d’anarchie.
Pourquoi? Les fachos baisent pas?
Excellente nouvelle.
A vérifier, cependant.
Sans vouloir adhérer à tout ce que dit ou défend Chomsky, car j’en en effet également une sainte horreur de l’État autant que du capitalisme, j’ai tout de même l’impression, Anne, que votre attitude (permettez-moi de vous vouvoyer, bien que l’envie soit grande de passer au tu, mais nous ne nous connaissons pas, bref, et donc) ne nous mène pas loin.
Lorsque je milite, c’est souvent en compagnie de copains qui ne partagent pas les mêmes opinions que moi. Souvent, ce sont des communistes, ou des écolos, ou des anti-militaristes qui peuvent encore être soc-dém, voire même parfois régionalistes flamands (je suis belge).
Je ne trouve pas cela totalement fou: je me bats pour des éléments d’anarchie, par exemple contre les restrictions aux déplacements (pour les immigrés), contre les installations nucléaires et les autres saloperies du même type (environnement), contre les armes de l’Otan (bomspotting), tout cela en compagnie de personnes différentes. Pour ce faire, je ne peux penser à ce que sera le monde avec ou sans mes compagnons de lutte: je dois le faire et espérer que le jour de la révolution, ma meilleure amie communiste ne commandera pas le peloton d’exécution des anarchistes petits-bourgeois dont je serai forcément.
Le reste, c’est de l’immobilisme et, comme dit le triomphe de l’anarchie,
« C’est reculer que d’être stationnaire, on le devient de trop philosopher ».
Donc, même si je n’adhère pas, loin s’en faut, à tout-Chomsky, je comprends son point de vue. Et je suis plus proche de lui que de vous et Stirner (dont le concept de propriété me hérisse d’ailleurs)
C’est bien ce que je pensais, Anne, il commence a etre fatigue le vieux !
THE ONION
10 May 2010
Exhausted Noam Chomsky Just Going To Try And Enjoy The Day For Once !
LEXINGTON, MA—Describing himself as « terribly exhausted, » famed linguist and political dissident Noam Chomsky said Monday that he was taking a break from combating the hegemony of the American imperialist machine to try and take it easy for once.
« I just want to lie in a hammock and have a nice relaxing morning, » said the outspoken anarcho-syndicalist academic, who first came to public attention with his breakthrough 1957 book Syntactic Structures. « The systems of control designed to manufacture consent among a largely ignorant public will still be there for me to worry about tomorrow. Today, I’m just going to kick back and enjoy some much-needed Noam Time. »
« No fighting against institutional racism, no exposing the legacies of colonialist ideologies still persistent today, no standing up to the widespread dissemination of misinformation and state-sanctioned propaganda, » Chomsky added. « Just a nice, cool breeze through an open window on a warm spring day. »
Sources reported that the 81-year-old Chomsky, a vociferous, longtime critic of U.S. foreign policy and the political economy of the mass media, was planning to use Monday to tidy up around the house a bit, take a leisurely walk in the park, and possibly attend an afternoon showing of Date Night at the local megaplex.
Sitting down to a nice oatmeal breakfast, Chomsky picked up a copy of Time, a deceitful, pro-corporate publication that he said would normally infuriate him.
« Yes, this magazine may be nothing more than a subtle media tool intended to obfuscate the government’s violent agenda with comforting bromides, but I’m not going to let that get under my skin, » Chomsky said. « I mean, why should I? It’s absolutely beautiful outside. I should just go and enjoy myself and not think about any of this stuff. »
Added Chomsky, glancing back over at the periodical, « Even if it is just another way in which individuals are methodically fed untruths that slowly shape their perceptions of reality, dulling their ability to challenge and defy a government bent on carrying out its own selfish and destructive—no, no Noam, not today, none of that today. »
According to sources close to the thinker, Chomsky also considered taking time to « plop down on the couch in [his] boxers and watch TV, » but grew suddenly enraged when The Price Is Right came on, commodifying the lie of American consumer satisfaction in a pseudo- entertainment context.
« Just change the channel, just relax and switch to something that isn’t mindless pabulum for the masses, » said Chomsky, reaching for the remote control. « No need to get furious. »
Chomsky, who often defines himself as a libertarian socialist, then changed the channel to ESPN, taking a moment to acknowledge the role of professional sports as a « weapon of mass distraction, » keeping the American people occupied with trivial competitions so they do not focus on opposing the status quo with grassroots movements against foreign and domestic policies that ultimately harm them.
« Stupid NBA playoffs, » Chomsky said. « At least it’s better than that NCAA March Madness crap. A university is supposed to be a center of learning that questions the state’s crafted messaging, not an entertainment factory. »
Sources said Chomsky took what was supposed to be a refreshing drive in the countryside, only to find himself obsessing over the role petroleum plays in the economic and military policies that collude with multinational corporate powers.
After stopping at a roadside McDonald’s, Chomsky was unable to enjoy the Big Mac he purchased, due to the popular restaurant chain’s participation in selling « a bill of goods » to the American people, who consume the unhealthy fast food and thereby bolster the capitalist system rather than buying from local farmers in order to equalize the distribution of wealth and eat more nutritiously.
Chomsky also found the burger to be too salty.
« All right, all right, » the noted critic and philosopher said, « I’m going back home, writing one—just one—reasoned, scathing essay, and getting it out of my system. But then I’m definitely going back to the park to walk around and just enjoy the nice weather. I’m serious. »
« Because there’s got to be more to life than the way that wage slavery strips the individual of his or her inherent dignity and personal integrity, » Chomsky continued. « Right? »
Ceci explique probablement cela…
Il est rescucité… et nécessairement fatigué…
Comme toujours avec les concept, celui de « individu » reste à définir de manière plus resserrée, tant celui-ci est chargé émotionnellement. L’individu individualiste est à proscrire, source de l’égoïste société libérale qui s’oppose à la société libertaire. L’individu libertaire prend sens dans son rapport à l’autre, à égalité d’avec l’autre, dans des projets dont une part est commune, la part qui fonde une société égalitaire, non dans le sens où la qualité de tel ou tel ne serait pas reconnu, mais bien l’inverse, par une reconnaissance mise au service de tous.
D’abord, je voulais vous dire que j’aime beaucoup vos billets, notamment leur écriture, même si je ne suis pas d’accord à 100% avec tout, je le suis pas mal. Individu anar et action collective ne sont pas incompatibles. Pour l’avoir expérimenté, je crois qu’on ne peut pas changer de système collectif sans changer de logique dans sa tête et pour sa propre vie. Expérimenter individuellement d’autres façons de vivre et de penser, et voir l’impact que ça a sur soi et l’entourage. Ca fait tache d’huile, souvent… donc ça n’est déjà plus individualiste. Pour certaines actions ponctuelles, on peut aussi être en collectif, y compris avec des gens pas à 100% similaires à soi: dans les manifs, je côtoie des anars, des écolos, des ultragauches, des désobéissants… L’essentiel est l’objectif de l’action du jour. Par contre, comme vous, je me méfie des organisations collectives avec objectif préétabli, même si tout ceci est décidé dé-mo-cra-ti-que-ment. Très vite, les réflexes de pouvoir, de leaders, de dogmatisme reviennent…
Vous tentez de raisonner avec tellement de logique brute que le résultat ne peut qu’être aberrant. Nous sommes des êtres affectifs (affectivisés?) et notre propre raison nous échappe la majeure partie du temps -pour peu que nous en ayant une. Nous survivons n’importe comment jusqu’à la mort, et quand bien même nous vivions un jour, tout serait différent et, finalement, pareil : nos yeux jugeraient chaque chose telle une mère défendant son petit, tel un chasseur défendant ce qu’il s’est approprié de quelque manière que ce soit. En premier lieu je stocke, rationne, mange et défend. Ensuite je rêve, et pas tout seul.
J’étais au départ (dans mes jeunes années) communiste-libertaire, proche sans doute de gens comme Chomsky (qui n’est pas à proprement parler un penseur de l’anarchisme) et Baillargeon.
En vieillissant et en lisant ce blog (merci à Anne Archet), je me sens de plus en plus anarchiste-individualiste.
Un terme mal choisi d’ailleurs, car comme le dit Anne Archet, ce sont justement ceux-là qui ont le plus d’amis.
Bravo pour ce blog, qui m’apporte beaucoup.
J’ajouterais simplement le point suivant : l’être humain ne peut être libre sans une nature libre autour de lui. Je veux parler de la nature sauvage (qui est en train de mourir).
Il y a un lien profond entre notre nature et la nature.
La liberté de l’une ne va pas sans l’autre.
De même que ma liberté ne va pas sens celle des personnes à qui quelque chose me lie.
Parler politique (pop-politique en fait), et pire, exprimer ses opinions à ce sujet est la chose la plus vulgaire qui soit. Et en plus il est complètement impossible de ne pas dire quelque chose d’absolument idiot qui en pratique ne fonctionnerait que le temps que notre être doive s’adapter à une nouvelle réalité (imperceptible jusque là puisque de la réalité nous ne percevons que ce que notre humeur globale veut bien nous montrer, et ensuite notre inconscient trie ce qui pourrait nous être le plus utile pour survivre le mieux possible dans notre milieu, en l’occurrence virtuello-bourgeois).
Et pour en revenir au billet d’humeur sur l’anarchisme…mn fait non, beaucoup trop frivole.
Moi je suis d’accord avec Anne. Il ne faut pas forcer un front commun. Des gens s’uniront peu importe pour lutter, et ils le feront sous base volontaire. Tout comme des individus peuvent aussi faire changer beaucoup de choses sans même qu’on entende parler d’eux. Je pense que le propre de l’anarchie est la tolérance et l’acceptation de la différence. La différence peut être divers moyens de s’organiser, même dans un même espace géographique. La différence, elle peut inclure divers moyens de lutte et diverses méthodes pour arriver au même but: l’état d’anarchie pour tous ceux qui le souhaitent. D’ailleurs, la tolérance anarchiste devrait aussi accepter que certaines personnes ne souhaitent pas vivre en anarchie, que les anarchistes ne peuvent pas et ne pourront jamais forcer ceux-ci à vivre en anarchie, et que la lutte qu’ils doivent mener doit être pour gagner et défendre leur propre état d’anarchie, ainsi que celui de tous leurs autres camarades anarchistes, mais pas de forcer l’anarchie chez qui que ce soit. Il y a un paquet de combats qui peuvent être menés par l’attaque: la libération de la Terre, la cessation de certaines exploitations… mais l’anarchie ne peut pas être gagnée par l’oppression de la violence. Elle ne peut, et ne doit, que naître de la liberté. Et il existe des individus libres, maîtres d’eux-mêmes. Mais en même temps, c’est la quête d’une vie, et c’est probablement une des réalisations les plus dures à effectuer. Sinon, je suis aussi un anarchiste individualiste, mais vous le savez déjà, pas individualiste au sens propre du terme, pas égocentrique.
Toujours par rapport à l’Individualisme:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Individualisme
Une personne individualiste ET égoïste est très probablement une personne qui s’illusionne par rapport à l’influence que les autres personnes ont sur elle. En tant qu’individualiste, quand je pense au bonheur d’autrui, je pense aussi à mon propre bonheur, parce que justement, l’affection que je porte aux autres m’est bénéfique. Il faut reconnaître que tout ce que nous faisons nous revient, même les soi-disant actions désintéressées. De la même manière, il n’est pas dans l’intérêt d’un individualiste de ne pas prendre en compte les personnes qui l’entourent, puisque les bonne relations avec ceux-ci aident beaucoup à être heureux.
Moi c’est précisément votre intervention sur le blogue de Baillargeon qui m’a amené chez vous depuis quelques mois.
Malgré tout le respect que j’ai pour Chomsky et aussi en partie pour l’anarcho-syndicalisme, votre annalyse est froidement exacte: c’est un dérivé de la sociale-démocratie. Hors Nietzsche nous a déjà averti que cette volonté de puissance du faible est un piège au même titre que le christianisme. Cela s’est vérifié dans les excès du Stalinisme et du Maoisme. Désormais cela est travesti dans chacune des pseudos-révolutions de couleurs fomentés par la CIA. Et ce piège se referme sur l’humanité toute entière à travers la contradiction flagrante du productivisme socialiste souvent aussi insoutenable que le capitalisme pour les écos-systèmes.
De plus, le sujet de Baillargeon était la division à l’intérieur des tendances anarchistes. Pour une fois que le sujet aurait pu voler haut, il chie dans ses culottes, comme tous les gens qui ont une job à défendre , que ce soit dans les médias, à l’université ou dans les OSBL.Baillargeon, il travaille même pour les sceptique du Québec, une groupe que je ne qualifierai pas ici pour ne pas paraître grossier.
Ceci dit moi aussi je fais de la merde parfois pour gagne ma vie. Mais lorsqu’il est temps de débattre, si il faut en plus s’auto-censurer ou s’auto-aveugler, aussi bien fermer sa gueule et gagner sa vie en ramassant les ordures.
Quand je lis ce Chomsky vieillissant ou Baillargeon, moi tant qu’à manquer de courage à ce point, je préfère encore les téléromans à l’eau de rose ou les journeaux de PKP. Au moins avec les faschos, what you see is what you get.
Parequ’à la fin, ces molassons à force de compromis, ils ne détruisent ni ne réforment absolument rien de la structure existante.
Les mots me manquent pour exprimer ma colère.
Je ne suis pas toujours d’accord avec vous Anne Archet, mais au moins, vous brassez des idées avec courage, et en dessous de ça, pour moi, depuis au moins dix ans, il n’y a plus rien qui passe.
Après réflexions, je suis convaincu que ce blogue aussi incohérent que futile est l’oeuvre d’une bipolaire non traitée. Quelle merde!
Tiens, je suis passé de «câlisse de féministe» à bipolaire non traitée. Je me demande si c’est une amélioration…