Les civilisations se croient toujours immortelles
Voilà pourquoi elles érigent des monuments de pierre
Assises inébranlables et glorieuses
Sur lesquelles elles reposent
Pour contempler stoïquement les millénaires
Qui défilent tranquillement devant elles
Mais ces assises ne sont pas réellement faites
De calcaire, de marbre ou de granit
Mais plutôt de chair brûlée et d’os broyés
De cuir labourant la plaie ouverte des dos
De sueur aigre bue à même la peau
De mépris, d’humiliation et d’exploitation
Voilà pourquoi les civilisations s’écroulent
Car leur socle est mou, fragile et mince
Comme le corps des esclaves et des serfs
Voilà pourquoi elles s’écroulent en un soupir
En un clin d’œil de quelques siècles
Mais qu’est-ce qu’un siècle pour le roc?
À Mohenjo-Daro, Tikal, Angkor Vat et Uruk
Sur le plateau du Machu Picchu
Les touristes béats prennent en photo
Le squelette hagard des civilisations
Sans déceler l’odeur de sang sur les murs
Ou entendre le cri des réprouvés entre les colonnes
Car ils font eux aussi partie d’une civilisation
Assise sur la chair brûlée et les os broyés
Qui ne laissera comme ruines en s’écroulant
Que des réacteurs irradiés dans le crépuscule
Qu’un continent de plastique flottant dans l’océan
Qu’une couronne de débris en orbite autour de la Terre
Catégories :Crise de larmes
Anne Archet
Héroïne sans emploi, pétroleuse nymphomane, Pr0nographe lubrique, anarcho-verbicruciste, poétesse de ses fesses, Gîtînoise terroriste (et menteuse, par dessus le marché). Si j'étais vous, je me méfierais, car elle mord jusqu'au sang.
Brillant et très évocateur. Mon sirventès favoris à date !
Mais il me semble que de se croire immortel n’est pas nécéssairement un fait de civilisation, c’est assez humain on a qu’à penser à tout les gens religieux qui croient pouvoir toujours continuer à exister après la mort. Ou même dans les relations amoureuse on a souvent l’impression que c’est toujours alors que c’est le cas qu’assez rarement.
A la suite de MizEntripie, j’ajouterais que maintenant, nous n’en sommes plus à l’immortalité d’une civilisation, de son âme, de son essence, mais à la durabilité d’un système; système qui va jusqu’à faire des civilisations une marchandise.
« Nous autres, civilisation, savons maintenant que nous sommes mortelles ». Je croyais que tout le monde civilisé connaissait cette phrase de Paul Valéry, prononcée en 45 au sortir de la guerre. Je vous ai déjà vue en meilleure forme, chère dame Archet. Mais soyez sans crainte : je vous aime malgré tout, du plus profond de mon moi-même intérieur.
Petit Prof qui fait aller sa science. Le sujet n’est pas Valery, petit prof, mais la catastrophe vers laquelle le monde marchand a commencé de nous précipiter sérieux grave.
Si je vous fait des compliments, j’ai peur d’avoir l’air de celui qui clique au moins une fois par jour pour savoir ce qu’Anne Archet pense de tel ou tel sujet et ça fait mauvais effet dans la hiérarchie des admirateurs.
En tout cas, me voilà dans Stirner cette semaine. Ça réussit pas à m’enlever l’angoisse totale mais ça passe mieux le temps que de lire Martineau.
D’accord avec Delcuse: sérieux grave !!!
Le squelette hagard des civilisations (…)
Sans déceler l’odeur de sang sur les murs (…)
Assise sur la chair brûlée et les os broyés…
Ce que nous réserve l’avenir assurément, je viens de lire un billet de Bakouvhaïev qui se refusait, en 2008 je crois, à procréer.
Je n’ai pas eu cette clairvoyance, aimant l’amour.
Heureux de lire, chère Anne, ces Sirventès, qui n’ont pas d’égal.
Pourrais-tu en faire des armes létales ?
Il en est tant qui m’exaspèrent…
Yves
@ Yves B
Je suis surpris que vous avez lu un aussi vieux billet. Je suis surpris qu’on me lise point.
Je n’aime pas la vie et je ne peux penser à quelque chose de plus cruel que de la transmettre à quelqu’un. C’est bien parce que j’aime les enfants que je ne leur ferais pas une chose semblable. De toute façon, j’ai beaucoup de mal à m’occuper de moi-même. Je n’ose pas imaginer ce que ça donnerait comme père. Un fiasco assuré.
Sinon ce n’est pas que je n’aime pas l’amour. Je suis un grand romantique désabusé qui ne croit plus en rien. Les femmes ne m’aiment pas. Le terme n’est pas assez fort. C’est à peine si elles ne me crachent pas dessus.
Si ce n’était pas le cas, je serais sûrement moins dépressif. Je ne dis pas que je serais un joyeux campeur (je serai toujours un être torturé et incompris), mais ce serait un gros plus.
Tout chie autour, si je pouvais au moins avoir du plaisir en attendant que le navire ne coule pour de bon, ce serait déjà ça.
Mais bon, ma vie personnelle ressemble beaucoup à notre société. Elle ne va nulle part et il n’y a pas beaucoup d’espoir.
Désolé de parler autant de moi ainsi. Mais de toute façon, tout le monde est centré sur sa propre personne. Je ne suis pas différent à ce niveau.
C’est juste que contrairement à beaucoup de gens, je n’arrive pas à m’aimer.
Ne soyez pas désolé, Bakouchaiev, car vous mettez précisement le doigt là où il faut. Oui, nous vivons dans un monde qui a relégué l’amour dans l’impasse de l’accouplement et de la procréation. Vous dites que les femmes ne vous aiment pas… Allez plus loin, nous ne nous aimons pas, femme comme homme. Il faut, pour être aimé, et aimer, le rapport à la séduction marchandisée. La marchandise est le coeur des relations humaines. Tout se vend, y compris l’amour. C’est en cela que nous sommes tous des putes, parents y compris. Et dans le cas de parents, c’est agravé par leur inconscience de la mise bas en ce monde envers lequel tout le monde s’accorde pour dire qu’il devient franchement inhabitable.
Mais, le problème n’est pas que nous soyons des prostitués prèt à se vendre auprès d’un patron pour un quignon de paim, mais qu’on ne le reconnaisse pas. Et, en matière strict d’amour, on est d’un conventionnel affligeant. Même le mariage est revenu comme un critère là où on s’y attendrait le moins, parmi ces gens auto-proclammés anarchistes, lesquels vivent en couple comme s’ils étaient mariés.
L’amour, et le sexe qui va avec, est devenu un système de protection des plus conventionnelle, et non une aventure qu’exaltaient les suréalistes.
Amour libre, n’est-ce pas un oxymore ?
Je me demande comment vous arrivez à être communiste libertaire alors que cette idéologie transpire l’optimisme, les bons sentiments et la foi en l’humanité.
À moins que vous ne le soyez déjà plus, ce qui pourrait être le cas.
Je n’ai jamais dit que j’étais communiste libertaire. Je considère que je suis un anarchiste sans étiquette. Je me rapproche des socialistes libertaires (ce qui est déjà différent des communistes libertaires, un courant étant lié à Kropotkine, l’autre à Bakounine), mais j’ai toujours défendu mon droit de piger des idées là où je voulais. Je me suis offusqué (je vous l’accorde, je suis toujours offusqué, c’est un passe-temps chez moi) quand vous avez voulu me mettre dans une boîte et me classer. Malgré le fait que je ne sois pas nihiliste, je suis attiré par certaines de leurs idées ou par l’énergie qu’ils dégagent. Utlimement les anarchistes me tapent sur les nerfs. La plupart sont réfos de toute manière et se contre-crisse de mon existence.
J’ai déjà dis que j’étais un genre d’humaniste misanthrope, ce qui me décris assez bien, malgré les contradictions. Mais l’idéalisme, la naïveté et les «bons sentiments» nous mène à la ruine. On doit regarder les choses en face et appeler les choses par leurs noms. Nous sommes dans la dèche.
Je ne connais pas bcp de dicton plus faux et plus mesquin que quand on veut on peut. J’ai probablement perdu une amie à cause de ces sornettes et ce n’est pas des farces.
Socialisme libertaire et communisme libertaire, on joue tellement dans la nuance qu’on risque de basculer dans le synonyme.
Peut-être que je me trompe, mais c’est lorsque vous parlez en nihiliste que je vous sens le plus authentique.
Les nihilistes n’ont pas de principes ou de valeurs. Je suis tourmenté par mes propres principes, mais je ne peux faire sans.
Je préfère le terme anarchiste sans étiquette, mais classez moi comme vous voulez. Ça ne change pas grand chose.
Mon cher Bakouchaïev :
Je ne sais par quel biais j’ai lu ce billet ancien de vous récemment…., mais peu importe, il ne s’agit pas le moins du monde de porter un jugement quelconque, bien au contraire, il s’agit d’illustrer le texte de Madame Archet (cette femme extraordinaire qui ne vous aime pas, dites-vous. Je demande à voir) et de mettre en avant la légèreté avec laquelle j’ai peuplé mon petit monde.
Cela est très largement paradoxal, contradictoire, et relève d’une insupportable superficialité.
Et je sais cependant combien vivre ici maintenant et demain est intolérable, pour ne l’avoir pas toléré déjà mais en vain… Enfin, ce que j’en dis.
« C’est juste que contrairement à beaucoup de gens, je n’arrive pas à m’aimer. » : ceux qui s’aiment s’ignorent sûrement, il est cependant ceux qui aiment, et ceux qui n’aiment pas ne peuvent sans doute en juger.
Il y a dans votre discours, toujours, même habilement caché, quelque chose de profondément humain, et cela me plaît, infiniment.
Je crois en effet que ce que l’on appelle communément « Civilisation » est un peu semblable dans son existence mesurable à ce que l’on appelle « Communauté internationale ». Je veux relever simplement qu’il est des uns et des autres.
Aussi, je ne vois en quoi l’anarchie empêcherait l’émergence de «couples », anarchiste, je respecte trop ma liberté pour brider si peu que ce soit celle d’un autre qui respecte la mienne, aussi une grande humilité m’habite et je ne peux rejeter avec pertes et fracas l’existence de personnes extraordinaires qui ignorent tout du sens des mots abstraits et pourtant, quel vocabulaire habite ces mains, ces bras, ces regards aussi riches et drus qu’un fouillis pubien.
Mais sans doute est-il des droits d’être ou non anarchiste, selon les présupposés de Monsieur Delcuse.
Un accès nécessaire à la profession ?
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