Menu Accueil

La comparution de Félix Fénéon au Procès des Trente

J’ai souvent parlé de l’admiration que je porte à Félix Fénéon, journaliste, critique d’art et esthète du tournant du siècle (pas le nôtre, l’autre). Sympathisant anarchiste, homme à l’esprit vif et à la répartie impitoyables, c’est à lui et à ses Nouvelles en trois lignes que je dois l’idée de versifier des faits divers sur mon blogue.

FF

En 1894, Fénéon est arrêté, incarcéré et comparaît au fameux Procès des Trente en compagnie de militants anarchistes comme Sébastien Fauré, Jean Grave et Louis Matha. On l’accuse non seulement d’avoir produit de la propagande anarchiste, mais aussi d’avoir entretenu des liens d’amitié avec Emile Henry et d’avoir même trempé dans l’organisation d’un attentat, celui du restaurant Foyot.

Silencieux pendant presque toute la durée du procès, voici l’essentiel de son témoignage.

«Le Président Dayras. — Votre concierge affirme que vous receviez des gens de mauvaise mine.

Félix Fénéon.  — Évidemment: je ne reçois guère que des écrivains et des peintres…

Pr. — L’anarchiste Matha, lorsqu’il est venu à Paris, est descendu chez vous.

F. — Peut-être manquait-il d’argent.

Pr. — À l’instruction, vous avez refusé de donner des renseignements sur Matha et sur Ortiz.

F. — Je ne me souciais pas de rien dire qui pût les compromettre. J’agirais de même à votre égard, monsieur le Président, si le cas se présentait.

Pr. — On a trouvé dans votre bureau des détonateurs, d’où venaient-ils ?

F. — Mon père les avait ramassés dans la rue.

Pr. — Comment expliquez-vous qu’on trouve des détonateurs dans la rue ?

F. — Le juge d’instruction m’a demandé pourquoi je ne les avais pas jetés par la fenêtre au lieu de les emporter au ministère. Vous voyez qu’on peut trouver des détonateurs dans la rue.

Pr. — Votre père n’aurait pas gardé ces objets. Il était employé à la Banque de France et l’on ne voit pas ce qu’il pouvait en faire.

F. — Je ne pense pas en effet qu’il dût s’en servir, pas plus que son fils, qui était employé au ministère de la guerre.

Pr. — Voici un flacon que l’on a trouvé dans votre bureau. Le reconnaissez-vous ?

F. — C’est un flacon semblable, en effet .

Pr. —Emile Henry, dans sa prison, a reconnu ce flacon pour lui avoir appartenu.

F. — Si l’on avait présenté à Emile Henry un tonneau de mercure, il l’aurait aussitôt reconnu. Il n’était pas exempt d’une certaine forfanterie.

Pr. — Vous avez dit que vous croyiez que les détonateurs n’étaient pas des engins explosifs. Or , M.Girard a fait des expériences qui établissent qu’ils sont dangereux.

F. — Cela prouve que je me trompais.

Pr. — Vous savez que le mercure sert à confectionner un dangereux explosif, la fulminate de mercure ?

F. — Il sert aussi à confectionner des baromètres. »

Catégories :Grognements cyniques

Anne Archet

Héroïne sans emploi, pétroleuse nymphomane, Pr0nographe lubrique, anarcho-verbicruciste, poétesse de ses fesses, Gîtînoise terroriste (et menteuse, par dessus le marché). Si j'étais vous, je me méfierais, car elle mord jusqu'au sang.

12 réponses

  1. Ça me fait penser au procès d’Oscar Wilde, l’année suivante (1895). Il avait donné lieu à des échanges tout aussi amusants. Ils en avaient du culot et de l’aplomb à cette époque.

    Merci pour les «Nouvelles en trois lignes». Des sortes de haïkus un peu coupants…

  2. Al’ bon vieux temps ! Ravachol aussi galéja jusqu’ au pied de la guillotine (mais Henri Désiré Landru aussi.)
    Aujourd’ hui on a plus que des Ben Laden culs-bénis et des Carlos tas de lard imbibé.

    Et les communards sont alter-mondialistes.

  3. Par où je vous ai cité en exemple on vous anne archet de mérités « hommages ». Votre texte est cité là http://endehors.org/news/la-comparution-de-felix-feneon-au-proces-des-trente
    Je ne suis pas peu fier d’avoir contribué à attirer l’attention sur ce texte ci et je vous suis reconnaissant d’avoir pu m’appuyer sur le procès de Féneon pour faire valoir à un crétin qui me traitait de procureur mes arguments.
    Embrassons-nous si vous le voulez bien :)

  4. Le journal d’un éditeur (éditions de la nuit) est ainsi:

    15 octobre — Bientôt la presse découvrira, décidément toujours en avance, pour qui travaillait Hitler.

    14 octobre — Nul ne peut renoncer à ce qui n’existe pas*.

    *. Mais on peut toujours vendre, n’exagérons rien, essayer de vendre — se torcher avec — un leurre idéologique, une petite saleté (de plus ou de moins, dans le dépotoir mondial de la littérature qu’est-ce que ça change, en effet).

  5. @Ogur

    Vous, tu, à nouveau, peu m’importe. Le médium technique, sa glace binaire, ne convient pas à certaines conversations – car je ne te prends pas plus à partie qu’un inconnu croisé dans la rue, à la différence, certes, que ce médium se réclame souvent de la parole, peut-être celle, mise sous un coussin de laine jaune, de la rue. Il serait très naïf de croire que ces paroles sont de même nature (j’en sais d’ailleurs quelque petites choses). Quant à la libre pensée, elle devrait opter pour la pensée tout court, et les conditions de cette possibilité devrait peut-être un jour être débattues, à moins que cette opposition, trop vite dite, ne fasse que me renvoyer à la mienne.

    L’hotesse, Ogur, l’hotesse… J’imagine une femme qui n’aurait rien voulu perdre de sa malice enfantine. Je la lis parfois avec admiration. Mais peu importe tout cela, car je sais aussi me tromper sans me trahir. Je ne fais que passer sous ce petit texte, qui évoque des choses que je ne partage qu’en silence.

  6. @ Laurent
    Tu, vous vous y entendez sûrement. Il me semble que nous percevons, vous et moi, ce que d’autres perçoivent probablement mais là où ils referment sur eux-mêmes des parenthèses, moins fréquemment nous le faisons. S’il se peut qu’il y ait à la reflexivité des conditions « favorables » elles sont certainement défavorables à faire des hommes reflexifs des hommes de la réalité. Moravia pour tout dire y voyait assez clair. Aussi je comprends parfaitement qu’on puisse  » aussi se tromper sans se trahir » et s’agissant d’une hôtesse ou d’une autre en particulier. Cela je promets d’ailleurs de le vouer de plus en plus au silence puisqu’il est vain de s »épancher et de s’agiter tant et plus. On peut tout aussi bien ne pas manquer d’excellence dans cet épanchement il n’en demeure pas moins vain. Au moins n’a-t-il jamais été conçu vainement.

  7. Bonjour,
    mon commentaire n’a rien à voir avec l’article. Je voudrais juste te faire des suggestions au sujet de ton site. Je trouve qu’il n’est pas assez illustré et du coup on a du mal a accrocher. Si tu pouvais l’agrementer de photo de toi nue ou si tu est timide juste de quelques parties de ton corps ton site y gagnerai. je suis sur que tout en ne diminuant en rien l’interet de ta prose tu obtiendrais beaucoup plus de visiteurs. Bien à toi

  8. Je trouve le commentaire plutôt fadasse. Il manque cruellement de plans rapprochés de son sphincter et même plus prosaïquement d’une photographie de son pénis et des quelques morpions qui y ont élu résidence…
    Plus simplement exprimé je me demande comment on peut même suggérer, pas même exiger, d’un auteur qu’il s’expose nu. Lire une femme, truculente et aux propos acérés, implique-t-il nécessairement qu’elle s’adresse aux parties les plus sexuellement éprouvés de ses lecteurs? (masculin et féminin).
    Qu’on puise désirer un auteur par sa plume et qu’on porte l’envie et le fantasme jusqu’à se résoudre à tenter sa chance, pourquoi pas. Mais une lettre adressée en privée ou une déclaration publique « folle » me paraissent ne pas réduire la femme à ce qui ne se fait que trop sur internet et même sur les couvertures de livres de nos auteures les plus récentes (dont les louanges et les ventes sont directement corrélés, non pas à leurs propos et à leurs talents, mais à leur belle gueule … Je tiens AA pour mériter bien mieux que des courbes ascendantes vente/image).
    Mais bien évidemment si elle venait en France, Anne Archet, je serai le premier heureux de la recontrer.
    Conseil à Salim: ne vous en tenez pas seulement à ce blog. Allez lire les textes érotiques d’AA. J’en ai lu assez du genre érotique mais ceux-là me plaisent beaucoup.

  9. @ Salim et Ogur
    AA nous montre son joli minois sous un jour enjôleur, c’est bien assez. Et à propos de ce joli minois, je me demandais qui est l’auteur de la caricature qui enjolive ce blogue ? (Pardon, du portrait ressemblant et «criant» de vérité où AA exhibe la blancheur de ses dents et le poli de ses ongles – enfin, d’un de ses ongles.)
    J’ai cherché et ça ne semble indiqué nulle part. Je trouve ce dessin très réussi (de même que le bandeau qui sert d’en-tête) et il me réjouit toujours autant que la première fois. (Je sais, je sais, je suis une personne très facile à réjouir. Ça m’a été utile souvent dans ma vie.)
    Si c’est du travail au noir, je n’insiste pas, mais quoiqu’il en soit, c’est du bon boulot. Bravo au (à la) graphiste.

  10. C’est étrange d’être renvoyé dos à dos avec Salim alors que j’exprime un point de vue contraire. Le genre « homme » semble bien condamner à ressembler à tous les hommes… on arrête le progrès…

  11. @ Ogur
    Je ne voulais pas vous vexer, en fait, je tenais surtout éviter de prendre partie pour l’un ou pour l’autre. J’ai profité de votre discussion pour poser une question qui m’asticotait depuis longtemps. Et puisque vous n’êtes pas d’accord avec Salim, c’est normal que vous vous retrouviez tous les deux «dos à dos»…
    Bon, je ne vous inviterai pas au même party, Salim et vous, ce qui m’obligera à doubler la dépense et la fatigue…

  12. Je ne suis ni vexé ni faché contre vous, ni faché contre Salim. Nous avons, n’est-ce pas, des motifs de vexations et de facheries bien plus évidents que ne le sont quelques différends et quelques malentendus, échangés par voie virtuelle… Nous avons trop vécu pour nous facher de si peu et trop peu goûté à la vraie vie pour la compromettre d’un rigorisme déplacé. Car, en fait, aucun de nous ne parle la même langue et il y a à cela des raisons qui ne sont pas exclusivement inhérentes à la condition humaine. C’est pourquoi nous aimons lire et notamment Anne Archet qui exerce une certaine fascination du moment que nous n’avons pas abdiqué l’idée première, ainsi prolongée, que toute vie tient du miracle. Il y a de plus charmants miracles…

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :