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Pourquoi je n’irai pas voter (et pourquoi vous avez raison d’en avoir rien à foutre)

Vote or DIE, ok ?

(Ce texte est une reprise qui date de novembre 2008; je n’ai eu qu’à changer une date, celle du scrutin (et aussi la texture de l’air !). André Gide avait drôlement raison : tout a été dit, mais comme personne n’écoute, il faut toujours répéter.)

Je ne sais pas ce que vous ferez le 2 mai prochain. En ce qui me concerne, j’ai prévu un tas d’autres choses plus importantes que d’aller me scrutiniser l’urne dans l’isoloir:

  • Me lever tard;
  • ne pas aller travailler;
  • respirer le doux et frais air du printemps ;
  • me masturber longuement;
  • voler mon repas du midi dans la poubelle cadenassée du Loblaws;
  • embrasser mon amour sur la nuque;
  • mettre de la super-glue dans la serrure de la porte du bureau local de Revenu Québec.

Et le lendemain, surprise: un gouvernement sera élu. Same fucking thing as always.

Je n’irai pas voter. Évidemment, ça ne surprendra personne puisque je suis anar. Mais je ne m’illusionne aucunement sur l’impact de cette décision et je ne tenterai pas de vous inciter à m’imiter. Alors votez pour qui vous voulez, tout ce que vous aurez accompli, c’est donner votre consentement à l’État, point barre. Si vous annulez votre vote, vous serez compté parmi les imbéciles qui ne savent pas noircir un petit cercle. Et si vous vous abstenez de voter, vous serez compté parmi les gens amorphes et ignares qui ne disent mot et consentent à leur exploitation.

Il n’y a pas d’autre issue à ce monde que la fuite.

Peut-être est-ce le grand âge, mais j’en suis arrivée à la conclusion qu’il est inutile pour une anar d’intervenir lors d’élections. Le système a une telle capacité à tout récupérer qu’on finit par n’être qu’un divertissement de plus dans le grand freak show politique. C’est d’ailleurs la seule ambition de ce blogue: rigoler un peu aux dépens des politichiens plutôt que de désespérer, sonder le vide abyssal de l’actualité en renvoyant dos à dos tous les idéologues junkies de pouvoir tant à droite qu’à gauche en espérant que quelqu’un, quelque part, comprenne que la vraie vie est ailleurs… bien loin d’ici.

Autre truc. Je sais que je ne devrais pas être surprise, mais je suis toujours déçue de constater à quel point les anarchistes retombent continuellement dans les mêmes travers, le principal étant celui d’être fascinés par la politique. Leur analyse des institutions sociales devrait normalement les pousser à faire la constatation — pourtant courante parmi la masse des gens qui ne sont pas des idéologues — que la frange particulière de la classe politicienne qui se retrouve au pouvoir ne change rien aux menées de l’État par rapport à une autre. Mais non. Ils finissent presque toujours par appeler à «voter utile» pour une raison ou une autre. Pensez à la FAI, en 1936… c’est l’exemple le plus classique et le plus tragique. Chaque fois qu’une élection est déclenchée, il faut toujours qu’il y ait un anarchiste quelque part qui critique «l’orthodoxie étroite» qui «ferait de l’abstention la seule option valable». Ce qui me fait vachement rigoler, puisque l’orthodoxie anar, dans les faits, consiste bien plus à jouer l’apprenti sorcier électoral que l’inverse, si je me fie à l’histoire.

Or, il devrait apparaître évident depuis tout ce temps que le programme d’un parti ou d’un autre ne signifie absolument rien, puisque c’est l’hégémonie politique du moment qui détermine les décisions du gouvernement. Un parti de gauche va agir comme un parti de droite et vice-versa, selon l’air du temps, les intérêts du capital, les clientèles électorales, etc., etc., etc., ad nauseam. Je ne suis pas fan de tout ce que Gramsci a écrit, mais son concept d’hégémonie n’a selon moi pas pris une ride.

Il faut comprendre une fois pour toutes qu’élire n’est pas choisir. Une élection est avant tout un exercice symbolique. La grande messe électorale est à placer au même plan qu’un sacrifice aux dieux devant un menhir ou au sommet d’une pyramide: c’est un rituel pour reproduire un ordre des choses qui se veut éternel.

Dans un cérémonial de type religieux, prendre une décision ou une autre n’a strictement aucun autre impact que sur le cérémonial lui-même; il n’en a aucun sur la réalité externe au cérémonial. Je peux décider de rester assise pendant la communion, je peux décider d’aller communier et mordre l’hostie, je peux communier comme une gentille croyante et faire ma prière ensuite. L’impression d’avoir fait un geste décisif ne dépend que de l’illusion que j’entretiens au sujet de Dieu et de ma capacité à y faire outrage ou hommage. Mais vous savez autant que moi que Dieu n’existe pas et que tous ces comportements n’ont par conséquent aucun impact sur lui. Pis encore: je n’attente même pas, ce faisant, au pouvoir que les prêtres exercent sur les fidèles. Il en va de même avec les élections.

Plus que jamais, les gens sont insatisfaits, cyniques, avides de changement. Ce fameux changement, je n’ai pas la recette miracle sur les moyens de le mettre en branle — quoique j’ai ma petite idée là dessus. Mais je reste convaincue que le vote est un moyen de conservation et de reproduction du statu quo, pas de changement. Alors votez si vous voulez, vous ne changerez rien et tout ira pour le pire dans le plus horrible des mondes.

Catégories :Accès de rage

Tagué:

Anne Archet

Héroïne sans emploi, pétroleuse nymphomane, Pr0nographe lubrique, anarcho-verbicruciste, poétesse de ses fesses, Gîtînoise terroriste (et menteuse, par dessus le marché). Si j'étais vous, je me méfierais, car elle mord jusqu'au sang.

22 réponses

  1. Toujours aussi pertinant et intéressant qu’en 2008, par contre je crois que je vais plutôt sentir le printemps à son meilleur que de respirer le doux et frais air de l’hiver naissant. Petite erreur de retranscription.

  2. Moi qui voulait sauter sur ce «doux et frais air de l’hiver naissant». J’ai été devancé.

    Sinon Anne je ne vois pas où vous voulez que les gens prennent la fuite. Le système capitaliste est hégémonique. Et puis la bêtise humaine ne connait pas de limite.

    La seule fuite possible, c’est le suicide.

    Vous allez peut-être dire que je manque d’imagination (c’est un de vos thèmes) et vous auriez bien raison. Je manque de bien des choses, dont le cran d’agir selon mes propres conclusions.

  3. Bakouchaïev, tu est bien trop pessimiste. Il y a certainement un moyen de s’émanciper ici en se foutant du capitalisme et de l’État, du moins partiellement. Et être partiellement libre nous permet de voir plus clair.

    Se suicider, ça veut dire laisser du monde derrière, bien en vie dans leurs chaînes. Si on ne peut pas libérer ceux-ci, on peut au moins les faire chier, ce serait la moindre des choses.

    S’autoéliminer par sensation d’inadaptation au monde, c’est pas une victoire ni une fuite. C’est s’insérer parfaitement dans la logique du « c’est pas bon on le jette » que nous impose le système conformiste actuel.

    Sysiphe a réussi à se rendre heureux en remontant sans cesse son hostie de caillou en haut de la pente, sachant très bien qu’il allait retomber ensuite. Selon moi Sysiphe était con. À sa place je me serais assis dessus et j’aurais rien glandé en attendant que les dieux réagissent pour voir ce que ça donne.

  4. Ha! Je n’avais même pas vu ce truc d’hiver. Faut croire que le printemps n’est pas assez vigoureux pour me convaincre…

    S’il y a quelqu’un qui devrait fuir, c’est bien vous, Bakouchaïev. Fuir, c’est une tactique, pas une recette miracle. Une tactique qui ne dispense pas l’affrontement — qui est inévitable — mais qui offre l’avantage de ne pas se sacrifier pour une cause qui n’est pas la nôtre.

    Évidemment qu’on se fait toujours rattraper. Mais au moins, on expérimente et on refuse d’obéir.

    Je n’ai qu’une seule vie à vivre et vous aussi. La gâcher est le seul crime que l’on puisse commettre.

    Si les gens sont bêtes, comment allez vous les libérer malgré eux? Comment vont ils vivre en individus libres, sans le biberon et la marchette de la religion, de la police, du patron? Allez vous attendre que Mario Dumont devienne anarchiste pour commencer à vivre?

    «Il faut poser des gestes d’une telle audace que même ceux qui les répriment devront admettre qu’un pouce de liberté a été conquis pour tous» écrivait Gauvreau. Je suis d’accord, en autant que l’audace aille dans le sens de ma propre liberté. Ne serait-ce que pour ne pas trop avoir de regrets lorsque viendra mon dernier souffle.

  5. Merci.

    Ça vaut la peine de répéter, surtout pour celles et ceux qui comme moi ont manqué la première édition.

  6. Je n’en pense rien de plus que ce que j’ai écrit dans ce texte. Voter, voter blanc ou ne pas voter ne change rien à rien. Étant paresseuse. je préfère encore ignorer le tout.

  7. Bof, c’est plutôt pour tes autres lecteurs que j’ai envoyé ça. Je sais ce que tu en penses…

    Tout de même, tu es probablement l’abstentionniste la moins impertinente au Québec…d’autant plus que tu ne pratiques pas l’abstinence! ;)

  8. Tout ça c’est bien beau Anne, mais une grande idée, bien qu’elle puisse être bien belle, n’a pas beaucoup de valeur si on est pas en mesure de l’appliquer. Je ne vois pas pour l’instant comment je pourrais cesser de vendre ma force de travail, malgré ma haine du processus (la recherche d’emploi) et le résultat (le travail salarié) et malgré toute ma haine de l’Université (qui grandit avec le temps), ça m’apparait encore un des meilleurs moyens d’amoindrir la médiocrité de mes conditions de vie.

    Pour ce qui est de ne pas gâcher ma vie, le processus est déjà bien entâmé et je ne vois pas vraiment en quoi l’avenir serait plus radieux.

    Je préfère la déprime réaliste à l’euphorie chimérique. Au moins la première est réelle, la deuxième est un mensonge.

    Mieux vaut une douleur véritable qu’un bonheur faux, un écran de fumée.

  9. @Bakouchaïev

    Votre désespoir est parfaitement compréhensible si pour vous hors du système point de salut! Un peu d’imagination, que diable!!!

  10. @Pieyre

    De quoi parlez-vous, mon cher? Bakouchaïev n’est certainement pas en manque d’imagination.

    Et s’il n’y a personne autour de vous qui a suffisamment d’imagination pour fuir le système, que faites-vous? Expliquez-nous ça, cher Ti-Jos Connaissant! Je ne crois pas que cet intervenant ait besoin qu’on lui fasse de la petite morale à deux cennes présentement! C’est très bourgeois comme conception de la révolution.

  11. @David Gendron

    De quelle «révolution» parlez-vous donc? S’il y a «révolution» à faire, elle est chacune pour soi. Malheureusement pour vous, aucune recette…à l’exception peut-être d’une petite suggestion puisque vous me semblez sympathique: «L’Unique et sa propriété» de Max Stirner

  12. La révolution chacunE pour soi, c’est un mythe. À moins que vous ne clarifiez votre pensée là-dessus. Sans l’action collective, on ne changera jamais rien, à part peut-être ses pantalons.

    La seule chose que je dirais c’est qu’il me semble préférable de ne rien faire ou presque que de s’impliquer dans une cause qui n’est pas la notre (exemple le capitalisme à visage humain, la dictature du prolétariat ou les luttes parlementaires).

    Mais je continue de penser qu’il est possible de s’organiser politiquement, sur une base non hiéarchique, en dehors des partis et des syndicats. Tout ça sans brimer l’individu dans son moi, surtout si c’est l’individu qui décide de s’impliquer politiquement sur ces bases.

    En passant je ne pense pas que Stirner se considérait lui-même anarchiste, ce qui est tout de même intéressant. C’est bien beau avancer des propositions et des concepts tout en refusant de les défnir de manière concrète (genre ça donne quoi dans la réalité pratique), mais avec ça, on ne fait pas des enfants forts.

    Si la philosophie est détachée de la réalité matérielle, elle ne vaut que dalle. Le but d’Anne archet n’est pas le même que le mien, mais si je suivrais sa route (ce serait dure à faire à cause du flou de celle-ci), je pense que je cesserais de me dire anarchiste et que je serais plus un genre d’huluberlu bohême post-situ machin truc.

  13. @ Bakouchaïev

    Et pourquoi pas? N’importe qui peut être n’importe quoi lorsqu’il se sent pris à la gorge…

    D’où vous vient ce «judéo-christianisme» de vouloir changer le monde???

  14. Tout d’abord, bonjour. Je sais bien que je suis un peu en retard pour réagir mais aujourd’hui j’ai lu un article qui m’a fait découvrir un nouveau concept (pour moi en tout cas), la sociocratie. En avez-vous déjà entendu parler? Concept très intéressant je trouve et ce, même s’il demande une participation active des gens.

    @Bakouchaïev

    Dans un autre ordre d’idée, si vous ne souhaitez pas  »vendre [votre] force de travail, » vous pourriez travailler pour vous-même et pour subvenir directement à vos besoin (se loger, se nourrir, se vêtir, etc.) en vivant en semi-autarcie ou en autarcie.

  15. Voici un extrait qui se trouve à la fin du livre « Notre besoin de consolation est impossible a rassasier » de Stig Dagerman publié en 1952 qui illustre bien les commentaire que l’on retrouve ici.

    Je précise qu’on est en pleine période électoral en France et c’est pourquoi j’ai lu votre texte qui soit dit en passant correspond parfaitement à ma pensé actuel.

    « Thoreau avait encore la forêt de Walden – mais où est maintenant la forêt où l’être humain puisse prouver qu’il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société ?

    Je suis obligé de répondre : nulle part. Si je veux vivre libre, il faut pour l’instant que je le fasse à l’intérieur de ces formes. Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n’ai rien à opposer que moi-même – mais, d’un autre côté, c’est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. »

  16. Bonjour à vous Anne…découvrant au fûre à mesure vos posts….permettez moi de ma modeste contribution….même si la curiosité n’est point un vilain défaut, permettez moi de vous inviter à lire ce commentaire, plus ou moins burluesque c’est ce que j’appelerais la philosophie de l’absurde lié à notre cher patrie la France !!…. »Je le titre La Comédie Politicus »
    Maria Eça de Queiros disait :  » La curiosité mène à tout, parfois à écouter aux portes, parfois à découvrir l’Amérique »….Bonne journée, bonne soirée, Gente Dame !

    Ah mais qu’est qu’on rigole en France de nos jours.
    Les humoristes de tous poils envahissent les médias, face à la sinistrose économique et au chômage, feignant l’humour qui devient une valeur en hausse économique..! Comme le foot d’ailleurs, . allez braves gens « riez riez » …. c’est bon pour le moral et au train ou vont les choses ca risque de devenir obligatoire … vous chomerez plus, mais en riant jaune !!
    Remarquez, au moment où les « Tontons Flingueurs » est devenu le film culte incontournable des fêtes après « le Père Noel est une Ordure » et Oui..Oui au pays de « Mimolette » que de sinistre mémoires. Mais tous les espoirs d’un renouveau intellectuel et philosophique sont permis puisque, la Gauche Caviar comme la Droite Molle du calçon, à la quinquénale nous promettent monts et merveilles, et comme le disait notre cher Ministre Pasqua:  » Les promesses n’engagent que ceux qu’y croit ».
    Je vous confirme que  » La Beaufitude » est vraiement bien ancrée en France ! Et je vous le dit, en mon « Ame et Inconscience » !…KEEP CALM AND VOTE FOR ME

    Archétype(Alias Asics)

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